Le plus souvent, lorsque deux personnes s’aiment, elles se valorisent mutuellement, elles ont envie de se faire plaisir et elles sont attentives aux besoins de l’autre. Et tout est bien, d’autant mieux qu’il s’agit d’une impulsion sans calcul, qui ne demande rien en contrepartie et qui jouit du bien être de l’autre.

Cool.

Le hic survient lorsque les stratégies de l’ego s’en mêlent et que notre geste n’est plus gratuit, il attend quelque chose en contrepartie.

Enfants, nous avons mis en place des stratégies pour obtenir de nos parents de l’attention et des marques de tendresse (par exemple je suis gentil(le) avec toi), de la reconnaissance (par exemple, j’ai des bonnes notes), la satisfaction de nos besoins (par exemple je hurle quand j’ai faim). Avant d’aimer ses parents, l’enfant en a surtout besoin. Mais l’enfant croit qu’il aime ses parents. Ainsi s’installe très tôt  une confusion  entre « j’ai besoin de toi » et « je t’aime ». Confusion qui existe toujours chez bien des couples adultes…

Nous continuons à « acheter » auprès de l’autre ce dont nous avons besoin : la valorisation, la reconnaissance, la paix, le plaisir, le soutien, la protection….. Nous l’achetons, et dans le même temps, nous l’exigeons : « si tu m’aimes alors tu me dois ceci ou cela (de l’attention, de la bonne humeur..) Nous exigeons, nous vendons, nous comptons, nous manifestons de la mauvaise humeur lorsque nous n’obtenons pas…et nous appelons cela de l’amour.

 

Afin de s’aimer vraiment et de débarrasser la relation de ces faux semblants il est nécessaire d’apporter un éclairage sur ce qui relève de l’amour et ce qui relève du marchandage : C’est ce que j’appelle les stratégies de l’ego : comment je vais modifier/modeler mon comportement pour correspondre à l’idée que j’ai de comment je dois être pour que tu m’aimes. Cette stratégie demande un effort colossal car il faut sans arrêt refreiner son impulsion naturelle à être simplement nous, instant après instant. Et tout effort mérite salaire. En conséquence, si la contrepartie n’est pas au rendez vous, c’est à dire si tu ne m’aimes pas comme je voudrais que tu m’aimes alors que je fais de gros effort pour essayer de te plaire, je vais devenir agressif et/ou déprimé et je vais exiger, puisque tu dis que tu m’aimes, tel ou tel comportement de ta part. Vous êtes d’accord, ce n’est pas de l’amour… C’est une tentative désespérée d’obtenir de l’attention, de la tendresse, de la reconnaissance, du bien être…

Il y a beaucoup de sortes de stratégies de l’ego, nous y reviendrons, mais elles peuvent se regrouper en 3 grandes sortes :

 

 

Amour et  approbation : si tu m’aimes, valorise moi, approuve moi, intéresse toi à ce que je fais, dis moi que j’ai raison, dis moi que j’ai fait du bon travail, dis moi que mon job ou mes projets sont intéressants, dis moi que je suis intelligent(e), beau, belle, fais moi des compliments, remarque que j’existe, que je fais les courses et les repas, que je contribue à assurer un bien être matériel à toute la famille…. Vous devez bien vous reconnaître un peu non ? Alors bien sûr que tout le monde préfère être reconnu et valorisé, le problème surgit dans un couple lorsque cela devient une exigence, sous prétexte que l’autre m’aime et partage ma vie... 

Et à l’inverse pour que tu m’aimes, je vais faire tout ce qu’il faut pour que tu approuves : ne plus voir les amis que tu n’aimes pas, ne m’engager que dans des projets qui te paraissent en valoir la peine, abandonner les autres, inviter tes copains, sortir, ne pas sortir, mettre des talons, ne plus chasser…. Et si, après tout cela, tu as le culot, toi, de ne plus répondre à mon besoin d’approbation….

 

Observez et ressentez : quelle est la peur qui vous fait adopter ces comportements, et en contrepartie les exiger de votre partenaire ?

 

 

Amour et complaisance : si tu m’aimes, fais moi plaisir. Voici une autre confusion extrêmement répandue, et pas uniquement dans les couples ! La croyance « si tu m’aimes tu dois me faire plaisir » est très ancrée chez nous. Fais moi plaisir…j’ai besoin d’agrément, de douceur, de plaisir, d’absence de confrontation… alors adopte un comportement qui remplisse ce besoin. Tu n’en as pas envie, cela n’a aucune importance, cela ne me traverse même pas l’esprit, je suis juste centré sur mon plaisir et puisque tu m’aimes… Derrière ces comportements se cache un tyran, le « fais moi plaisir », assez doux, cache un « fais ce que je veux ». Et l’opposé est lui aussi ô combien répandu : je vais faire ce que tu veux et ainsi j’achèterai la paix, de la tendresse, un câlin, ta bonne humeur….

 

Observez et ressentez : si votre partenaire ne veut pas vous « faire plaisir », que se passe t-il pour vous ? quelle émotion, quelle pensée vous traverse ?

Et si vous ne faites pas ce que votre partenaire veut, au fond que craignez vous ?

 

Amour et sécurité : si tu m’aimes, protège moi, prends moi en charge, décide pour moi, assume pour moi, vérifie pour moi, que ce soit pour de petites ou de grande choses (faire les comptes, payer les amendes, décider des sommes à dépenser et de celles à investir, gagner l’argent du ménage, organiser les déplacements et les sorties..) je vais m’en remettre à toi pour un pan de ma vie et tu auras la charge de mon bien être…et/ou à l’inverse : pour que tu m’aimes, je vais m’occuper de tes besoins à ta place, veiller à tout, faire pour toi ce que tu ne veux pas faire, ce que tu n’auras même pas le temps de faire que je serai déjà intervenu…tu ne pourras plus te passer de moi.

 

Observez et ressentez : si votre partenaire décide qu’à partir de maintenant il cessera de payer vos amendes, déclarer vos impôts ou acheter vos vêtements, que se passerait il pour vous ? Que ressentiriez vous ? qu’est ce que vous vous diriez ?

Et si, dans certains domaines, vous prenez votre partenaire en charge au delà de vos « forces » (c’est à dire si vous en avez assez, ne serait-ce qu’un peu) , au fond que craignez vous si vous arrêtiez de le faire ?

 

Vous l’avez bien compris, le souci n’est pas de prendre soin l’un de l’autre, il est d’exiger un comportement de son partenaire sous prétexte qu’il vous aime et, à l’opposé, de modifier son comportement naturel pour que l’autre vous aime….Et plus sournoisement, il est de qualifier d’amour ce marchandage… Car du coup on en oublie ce que c’est que l’amour.