Vivre à 2 confinés

Le confinement peut se révéler une épreuve pour les couples. On pourrait considérer que la vie de couple est déjà en soi un certain confinement, consenti, mais là il s’agit de la version amplifiée du frottement quotidien qui  peut vite devenir difficile à supporter. Les blagues qui nous font tant rire sur le sujet et qui courent sur les réseaux en ce moment ne sont pas dénuées de tout fondement…

 

Vous auriez pu choisir de vous confiner chacun à un endroit différent, avec la moitié des gosses, et de vous retrouver ravis et amoureux à la sortie, mais vous n’avez même pas eu le temps de vous poser la question…

 

Alors, confinés pour confinés,  autant profiter de la situation,  aborder vraiment les sujets qui fâchent, et en sortir. Je vous propose, pour y arriver sans laisser de plumes et gagner au passage un surcroît de bien être à 2,  trois étapes et un processus :

 

 

1ère  étape: Admettez que, si l’autre est insupportable, c’est un fait indubitable, vous l’êtes probablement aussi pour lui/elle. Donc abordez la situation comme « on a tous les 2 un problème à résoudre » plutôt que comme « mais tu ne te rends donc pas compte à quel point TON comportement est insupportable ! ». Au bout d’une semaine de confinement, tous les comportements sont inadaptés, ou plus exactement tous les comportements inadaptés ressortent. Donc, pas de victime, pas de bourreau, 2 êtres qui font ce qu’ils peuvent, qui adoptent des comportements qui leur permettent de respirer mais qui précisément appuient là où ça fait mal chez l’autre. Prenez juste bien conscience de cela, dites le vous : il n’y a pas un gentil et un méchant, un équilibré et un déséquilibré, un attentionné et un égoïste, un jovial et un râleur…. Non, rien de tout cela, il y a deux personnes maladroites et très challengées qui font ce qu’elles peuvent. Ce que vous êtes tout prêt à vous reconnaître comme circonstances atténuantes, faites un effort (je suis OK, C’EST un effort) pour le reconnaître aussi à votre partenaire.

 

2èmeétape : trouver une pièce, un moment adéquat et une bouteille de bon vin

 

Il s’agit d’aborder les sujets qui fâchent, soit  finalement un, deux, maximum trois sujets qui vous gonflent depuis toujours et que le confinement met particulièrement en lumière. C’est le moment ou jamais de les aborder vraiment. Vraiment, cela veut dire que vous êtes mutuellement OK pour écouter ce qu’il se passe chez l’autre. Le confinement provoque peut être une exaspération, vous êtes peut être à bout de nerfs, ce qui n’est normalement pas un bon environnement pour aborder au fond les sujets qui fâchent. Il vaut mieux en général le faire à froid. Sauf que là, vous n’avez pas d’échappatoire sauf à faire une pétition auprès du Ministère de l’intérieur pour rajouter à la liste des raisons admises pour vous déplacer « mon partenaire me fait chier ». Soit votre quotidien devient insupportable, soit vous y allez, vous n’avez pas le choix et, en cela, l’occasion est favorable.

 

3èmeétape : Mettez en œuvre le processus décrit ci-dessous, et restez-y fidèles, cela permettra d’éviter les débordements : Il ne s’agit pas de déballer tout son linge sale et de le jeter à la figure de l’autre, il ne s’agit pas d’expliquer à l’autre à quel point il est dans le mauvais chemin, et vous dans le bon. Il s’agit de partir à la découverte de ce qu’il se passe chez l’autre, lorsqu’il adopte ces comportements qui vont sont insupportables, et d’expliquer à l’autre en quoi ils vous sont si difficiles à supporter. Vous allez tomber sur des peurs, des croyances, des tempêtes émotionnelles, sur les vraies motivations qui motivent vos comportements. Vous allez apprendre à mieux vous connaître, à vous laisser toucher l’un par l’autre. Attention, ce n’est pas de la psychanalyse, il ne s’agit pas d’expliquer ses comportements par celui de son père ou de sa mère, peu importe d’où cela vient. Il s’agit juste d’être le plus honnête possible et de faire partager ce que l’on ressent comme émotions, ce que l’on se dit dans sa tête, ce que l’on fait pour se sortir de là…. C’est un partage, pas un règlement de compte, ni une tentative pour faire changer l’autre de comportement.

 

Processus :

 

1/ A énonce le problème : 

 

Ex : Je fais tout dans cette maison, les courses, les repas, l’occupation des enfants, et toi tu restes vissé à ton écran et quand je te demande de participer, tu le fais en traînant les pieds et tu ne prends jamais l’initiative…

 

2/ A précise en quoi c’est grave pour lui, ce qu’il y a de pire pour lui dans cette situation (prenez le temps de réfléchir, de laisser monter, c’est déjà quelque chose d’être capable de répondre à cette question). Pendant ce temps, B n’intervient pas et ne fait qu’écouter 

 

Ex : Le pire, c’est que je suis fatiguée et que je n’en peux plus… Moi aussi j’ai envie de regarder des séries..

 

A continue à investiguer ce qui est le pire, en quoi cette situation est vraiment pas supportable, à quel endroit cela le touche, et B continue à se taire et à écouter :

 

Ex : En fait le pire c’est que je trouve cela injuste, j’en fais plus que toi, ce n’est pas équilibré, j’ai l’impression de me faire avoir, de donner plus que je ne reçois..

 

Lorsque A a trouvé ce qui est le pire pour lui et qui le concerne, c’est à dire quelque chose qui commence par « je » (et non pas un jugement de l’autre), quelque chose qu’il déteste, quelles que soient les circonstances finalement, il exprime à B (qui continue à se taire, à écouter attentivement et à boire son vin) : 

 

-      ce qu’il se passe pour lui, dans sa tête (ce qu’il se dit à son sujet), 

-      dans son cœur (quelles émotions il ressent) 

-      et ce que cela le pousse à faire

 

Ex : Quand j’ai l’impression de me faire avoir, je me dis que je suis trop con(ne), je suis furieux(se), je t’en veux et j’essaie de te faire faire ce que je veux que tu fasses pour que tout se passe au mieux

Et aussi je me sens coupable, si tout n’est pas parfait, je ressens de la pression et j’essaie de la faire diminuer en te faisant participer.

 

3/ A passe la parole à  B qui à son tour va exprimer, sans que A ne l’interrompe, ce qui se passe pour lui dans cette situation. Il exprime pour cela ce qu’il se dit dans sa tête, ce qu’il ressent comme émotion, ce qu’il essaye de faire pour s’en sortir

 

Ex : Quand je suis vissé sur mon écran, j’essaye de me créer une bulle, de récupérer, de faire baisser la pression

Quand tu me dis ce que je dois faire, je me dis dans ma tête que j’en ai marre que tu me donnes des ordres, que tu me prennes pour un gosse,  je ressens de l’apathie et finalement je le fais quand même en traînant les pieds, pour ne pas donner l’impression que j’obéis et aussi pour ne pas risquer un conflit avec toi parce que je n’aime pas quand on se dispute

Je me dis aussi que ce n’est pas si grave si tout n’est pas nickel, si les enfants s’ennuient un peu..

 

4/ L’échange de ce qu’il se passe pour chacun s’arrête là. Il n’est pas question de discuter le bien fondé de ce qui a été dit, car ce ne sont que des questions de point de vue, des façons de voir la réalité et il ne sert strictement à rien d’essayer de faire comprendre à l’autre qu’il a tort et qu’il devrait voir les choses différemment. 

Le seul fait d’avoir ce type d’échange, sans jugement, permet à chacun de mettre les choses en perspective, de s’ouvrir à une autre façon de voir…. A son rythme. Toute tentative pour convaincre l’autre qu’il devrait voir les choses autrement est non seulement vouée à l’échec mais crée une résistance dans le cheminement naturellement emprunté avec ce type d’échange.

 

Ex : il n’est pas question de discuter si effectivement c’est grave ou pas que les enfants s’ennuient, s’il vaut mieux regarder une série plutôt que s’appliquer à faire un repas équilibré, si le fait de s’octroyer une bulle pour décompresser est acceptable ou pas, si B est effectivement un gosse ou A un maître d’école, si A a tort ou pas de se sentir coupable…

 

Par ex A pourra se rendre compte tout seul qu’il s’imagine savoir mieux que tout le monde ce qui « doit être fait », qu’il régente la maison pour que cela se passe comme il le veut et surtout qu’il se met une énorme pression pour que tout soit parfait. Il se dira peut être que lui aussi a besoin d’une bulle pour décompresser et qu’il pourrait se l’autoriser. B de son côté pourra se rendre compte tout seul qu’il crée des conflits en essayant de les éviter et qu’il ferait mieux de se positionner clairement, de dire un vrai non ou un vrai oui aux demandes de A.

 

5/ A et B se disent mutuellement ce que cet échange a changé dans leur appréciation de la situation. Comment ils voient les choses maintenant, et, éventuellement, en quoi ils décident de modifier leur comportement. Mais ce n’est pas une obligation immédiate. La modification du comportement viendra ultérieurement, ou pas. 

L’important n’est pas de contraindre l’autre à adopter un comportement qui corresponde à ce que j’attends. Cet échange n’est pas une manipulation, une feinte pour finalement obtenir ce que je veux. 

C’est un échange, une découverte de ce qu’il se passe dans le paysage sous jacent de l’autre. Et de cette acceptation profonde, de ce moment où chacun aura trouvé l’espace, la disponibilité, d’être écouté sans jugement, sans conseil, sans moquerie, sans exaspération, suffisamment longtemps pour réussir à faire le clair, naîtront le calme et les idées vraiment nouvelles (et non pas la position initiale de l’un ou de l’autre) pour que l’un et l’autre se trouvent satisfaits. 

 

Voilà, à vos bouteilles, n’hésitez pas à m’envoyer un mail si vous êtes coincés quelque part dans la discussion, je vous répondrai avec plaisir et vous aiderai à mettre de la conscience sur ce qu’il se passe.

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Commentaires: 2
  • #1

    Josette Casabianca Croce (lundi, 23 mars 2020 22:49)

    Bonsoir Helene,
    Juste une réflexion: j'adore "le monde sous jacent de l'autre"
    Il y a tellement de choses, de surprises,d'émotions ,de colères …
    Merci pour ce voyage dans le monde de l'autre et pour cette approche humaine de l'altérité.

  • #2

    Philippe Bach (mardi, 24 mars 2020 08:45)

    Merci Hélène.

    Admettre = Accepter. La première étape sera décisive pour les deux suivantes... Elle ne fonctionnera que lorsque les émotions de chacun seront apaisées. C'est un challenge.

    C'est important en tout cas !

    Belle journée !