De l'importance d'exprimer ce que l'on ressent en temps réel

Aucune de nos émotions, aucun de nos ressentis, aucune de nos pensées ne sont « mauvaises », rien de ce qui nous traverse, quelque soit l’occasion, n’est à juger, à rejeter, à faire taire… Il y a une différence fondamentale, qu’il est urgent, dans notre monde, de comprendre : celle entre juger/bannir/rejeter et  ne pas choisir/nourrir.

 

Il nous arrive fréquemment de juger nos pensées, émotions…, nous trouvons que nous manquons de calme, d’attention, de gentillesse, de justesse, que nous ne pouvons pas dire ce que nous ressentons car – croyons nous – nous allons blesser notre interlocuteur, l’éloigner de nous, créer un conflit, en faire un ennemi, compliquer les choses..  et nous faisons taire ce qui monte en nous pour servir au monde une image « correcte » de nous mêmes. Nous avons au fond une image assez précise de qui nous devrions être pour satisfaire à nos critères d’acceptabilité, de sécurité, de conformité à nos valeurs… et nous n’acceptons pas le fait que nous pouvons y déroger. Et comme il nous est insupportable de constater que nous pouvons ne pas être conforme à l’idée que nous avons de comment nous devrions être, nous faisons taire ce qui monte, nous « prenons sur nous » et le plus souvent nous n’avons même pas le temps de ressentir ce qui monte que nous l’avons déjà soit enfoui soit transformer en jugement (sur l’autre ou sur la situation). Et ce qui a été si bien enfoui explose un jour….généralement à contre-emploi total, ou est déversé (et en cela il devient une poubelle) sur quelqu’un d’autre…

 

Nous nous faisons, et faisons aux autres un mal indicible en faisant cela. Je ne dis pas que c’est mal, je dis nous nous faisons mal…

 

Ce qui nous traverse, ce qui nous vient à l’esprit, EST, un point c’est tout, et le juger ne le fera pas disparaître. Il est absolument nécessaire d’exprimer ce que l’on ressent, à partir d’un lieu, en nous, centré et responsable : c’est à dire qui ne nie pas les émotions et ressentis mais ne rend pas non plus les autres ou les situations responsables de ce qui nous arrive. Exprimer n’est pas attaquer. Dire sa vérité n’est pas dire ses quatre vérités à l’autre. C’est juste faire part de ce qui nous traverse, en en gardant la paternité.

Ne pas juger qui que ce soit, ne pas rendre qui que ce soit responsable, rend l’expression de nos émotions, pensées et ressentis audibles par l’autre en toute situation. Ce qui risquerait de blesser, créer le conflit… c’est de rendre l’autre responsable de notre mal être. L’exprimer simplement permet au contraire à l’autre d’en faire autant, et du coup les relations – et la vie tout entière – prennent une autre densité, une autre saveur… on est dans le vrai, et c’est consistant.

 

Exprimer ainsi nos émotions a comme grand avantage de les faire passer. Une fois exprimées, elles ont jouer leur rôle (d’information le plus souvent, nous reviendrons un jour sur le sujet) et l’énergie dont elles sont porteuses peut se transformer, notamment pour nous donner des idées et la capacité de mettre en œuvre des solutions pour sortir de l’état qui a creé ces émotions… Vous me suivez ? Si j’exprime par exemple, sans accuser personne et en temps réel (ou presque, ça marche aussi), toute ma frustration liée à une situation dans laquelle je me sens impuissant(e), je vais développer les idées et la capacité pour maîtriser la situation. C’est comme ça, il n’y a pas à le croire, juste à essayer et observer ce qu’il se passe…

 

Nous croyons souvent (et c’est vraiment d’une croyance dont il s’agit) qu’en jugeant en nous ce qui est « bon » et ce qui est « mauvais », nous avancerons vers le « bon ». C’est l’inverse qui se passe : en jugeant l’ombre (qu’elle soit chez nous, chez les autres ou dans l’environnement), en la rejetant, nous la nourrissons, car elle n’est pas transformée. Elle est comme bannie, en prison, elle rumine et elle croît. Au contraire, en l’acceptant sans jugement, en acceptant ses conséquences sur notre état intérieur, nous nous en distancions. Nous observons qu’elle existe, nous l’acceptons  - ce qui ne veut pas dire que nous l'approuvons ou nous souhaitons revivre la même chose - et nous gagnons, par cette acceptation, la capacité de ne pas la nourrir.

 

Alors, certes, il s’agit pour être capable d’exprimer ses ressentis en temps réels, de retourner la croyance bien ancrée que « cela ne se fait pas », « c’est dangereux », « c’est méchant », « c’est inintéressant », « ça ne sert à rien »…. Le plus difficile à faire est d’avoir vraiment envie de retourner la croyance, pour gagner en authenticité, en consistance, en liberté et en créativité (oui, oui, tout cela, c’est ça l’enjeu !). Mais ensuite, il suffit d’essayer, sur des toutes petites choses…de constater les effets….et la constatation répétée d’effets positifs finira par convaincre notre cerveau de changer définitivement la croyance et de fonctionner sur ce nouveau mode….Allez y, essayez, cela ne se fait pas en un jour, mais cela se fait, et c’est tous les jours un peu mieux…

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Nathalie (jeudi, 07 mai 2015 14:26)

    Mais oui !!! un autre argument issu du vécu : il me semble que si on ne l'exprime pas, on le rumine, on en empile comme ça des tas, et après ça sort de façon explosive !

  • #2

    Danielle (jeudi, 07 mai 2015 17:30)

    Merci beaucoup Hélène pour ce bel article qui m'a permis de modifier ma croyance sur l'expression de ce que je ressens ! Je perçois les avantages pour l'autre et pour moi. Merci pour ce cadeau

  • #3

    Sam (mercredi, 07 avril 2021 00:21)

    Merci beaucoup pour cet article profond et bienveillant. Merci pour ces détails autour de l'expression. On peut rester courtois et serein tout en exprimant une vérité qui nous traverse. J'ai toujours cru qu'il fallait crier ou pleurer pour "libérer"... Alors que c'est quand on communique pleinement de tout son coeur avec humilité que les larmes coulent toute seule et que le message atteint notre interlocuteur sans violence.