Les nouveaux sauvages

Je ne résiste pas à l’envie de faire un petit commentaire de ce film jubilatoire… !

Ce film a ceci d’extraordinaire qui nous montre de quoi est fait l’intérieur des hommes – de tous les hommes, vous et moi compris – que la force de leur mental empêche d’exprimer à l’extérieur. Ne nous y trompons pas, nous avons tous, pour peu que nous acceptions d’aller voir, une violence inouïe tapie au fond de nous, un amas de frustrations non avouées, qui sortirait volontiers dans des formes encore plus brutales, si nous ne la jugulions pas. Les dérapages, les meurtres, toutes les violences ne sont pas le fait d’hommes particulièrement sauvages ou violents – nous le sommes tous – mais d’une absence momentanée de contrôle. Le verrou saute, soit parce que la pression interne est trop forte, soit parce que le contrôle est défaillant, ou souvent un mélange des deux.

Mais le contrôle est-il ce qui distingue les humains des bêtes sauvages ? A première vue, oui. Les animaux ne disposent pas – à ma connaissance – d’une capacité de réflexion sur eux mêmes et d’un mental capable de contrôler leur énergie interne. Mais cette faculté humaine est-elle vraiment à mettre au crédit de l’homme ? Et n’est-ce-pas précisément ce contrôle qui crée une violence bien pire que celle que l’on trouve chez les animaux ?

L’homme, qui se croit au dessus des animaux, se contrôle, et contrôle ses enfants dès leur plus jeune âge, pour atteindre un comportement qu’il croit « civilisé ». Il s’interdit donc le plus souvent de dire vraiment ce qu’il pense (de peur de blesser, d’être rejeté, d’apparaître comme indésirable..), de faire vraiment ce qu’il veut, de répondre vraiment à ce dont il a besoin. Mais il n’en pense pas moins. Il a développé un « surmoi » qu’il croit être son apanage d’homme civilisé, mais qui dans la plupart des cas est un outil au service de son orgueil (« moi je ne laisse pas s’exprimer ce que je ressens en moi car c’est dangereux et/ou mauvais). Ce surmoi régulateur lui sert à avoir l’air doux, respectueux, aimant, généreux…, mais pas du tout à l’être vraiment Et à réprimer sa nature, il crée à l’intérieur de lui une bombe à retardement…. Ce film est jubilatoire car il libère – par acteurs interposés- une (petite) partie de notre bombe intérieure. Tous les scénarios révèlent une injustice, un sentiment profond de maltraitance, qui finalement mène à un « pétage de plomb », déclenché par un événement particulier qui n’est que l’arbre qui cache la forêt des frustrations enfouies.

Est-ce-à-dire que pour désamorcer, ou plus radicalement ne pas alimenter cette bombe, il faudrait laisser libre cours à la manifestation de tous nos ressentis, sans aucun frein, depuis notre plus tendre enfance ? Est-ce-à-dire qu’il faudrait en rabattre sur notre soi-disant supériorité d’humain qui mène à ce sentiment d’injustice, et donc à des frustrations ?

Ce qui me semble assez efficace, et ce pourrait être une leçon de ce film, c’est d’arrêter de nous comparer à une image idéale à laquelle on voudrait ressembler – individuellement et collectivement - d’accepter pleinement ce que nous ressentons même si cela nous semble indigne et bas et de l’exprimer au fur et à mesure (sans en éclabousser les autres, il y a d’autres moyens). Réprimer nos penchants naturels alimente une bombe qui mène aux nouveaux sauvages ; les reconnaître et les accepter – sans honte ni culpabilité – permet de les transformer. Et peut-être que c’est cela le rôle de l’homme : transformer la nature animale ? Si c’est le cas, il n’a pas d’autre choix que celui de passer par la case « Acceptation ».

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